DU POISON DANS L’EAU POTABLE

A travers la France, une enquête sur la qualité de l’eau disponible au robinet, souvent contaminée par des pesticides, des métaux ou des produits chimiques.

L’eau qui coule des robinets français est souvent contaminée, à l’insu des citoyens. Dans le Centre, en Normandie ou en Charente, elle regorge de pesticides ou de nitrates. Les autorités le savent mais délivrent des dérogations permettant de distribuer de l’eau contaminée. En Auvergne, les habitants boivent de l’eau blanchie avec de la poudre d’aluminium, qui peut provoquer la maladie d’Alzheimer. Depuis quelques années, des scientifiques et des citoyens tentent de se faire entendre pour dénoncer ces dangers. Partout en France, l’eau potable charrie des résidus médicamenteux comme des hormones ou des antidépresseurs.
La critique
20H35 – FRANCE 3 DOCUMENTAIRE : « Hors-Série – Du poison dans l’eau du robinet », DE SOPHIE LE GALL.

Alerte rouge. En France, l’eau du robinet est contaminée par des agents nocifs. L’aluminium, par exemple, entraîne la maladie d’Alzheimer, différents cancers et autres affections dégénératives. Pourtant, nombre de nos élus n’en ont cure. Les lobbies chimiques et agricoles peuvent dormir en paix, l’Etat les protège. La preuve ? Alors que, le 28 avril dernier, nous visionnions « Du poison dans l’eau du robinet », cet ahurissant documentaire réalisé par Sophie Le Gall démontrant comment et pourquoi l’eau de nos robinets nous empoisonne, l’Assemblée nationale publiait un rapport mettant en garde contre une diminution « trop brutale » de l’emploi des pesticides en France. Les rapporteurs, Claude Gatignol, député UMP (vétérinaire), et Jean-Claude Etienne, sénateur UMP (professeur de médecine), estiment que « l’usage des pesticides est très sérieusement limité et encadré [ …] Ils représentent une garantie de revenus stables [pour les agriculteurs, NDLR] ».
Il y a de quoi tomber de l’armoire ! Revenons au documentaire de Sophie Le Gall (produit par Ligne de Mire). Elle démontre comment et pourquoi l’eau reste chargée à outrance en aluminium, en nitrates, en pesticides, en résidus massifs de médicaments et en radon, puissant gaz radioactif, donc toxique. La réalisatrice mène l’enquête dans la France entière, un peu à la manière d’un Inspecteur Lavardin s’invitant ici et là, dans les mairies et les préfectures, chez Véolia, à la Saur (Société d’Aménagement urbain et rural), à l’Afssa (Agence française de Sécurité sanitaire des Aliments), à la Commission de Recherche et d’Information indépendantes sur la Radioactivité (Criirad), au ministère de la Santé, à la Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (Ddass), au Syndicat des Eaux et chez des particuliers ahuris d’apprendre, éprouvettes et analyses à l’appui, qu’ils boivent de l’eau pourrie. Pas le genre à montrer d’un doigt accusateur les vilains empoisonneurs et nos élus, leurs complices. Non, Sophie Le Gall, c’est plutôt le style à ouvrir sa valise pleine de documents et de preuves. Comme face au chef du labo de Véolia Il dirige l’unité chargée de contrôler les pesticides. Sous les questions de plus en plus précises de la réalisatrice, l’homme, à bout d’arguments, en vient à quitter la pièce. Il rejoint le staff et l’attachée de presse de l’entreprise. Comment la caméra a-t-elle pu capter l’échange que nous relatons ici ? Mystère, mais c’est énorme : « Elle me pose des questions sur l’atrazine… [un puissant herbicide, NDLR] Tu n’as pas donné de noms ? – Elle cherche la vérité… » Eclats de rire, puis : « Si vous, et nous, la com, nous commençons à parler de vérité, on est dans la merde. » Nous aussi visiblement. Pour mémoire, l’eau contaminée à l’atrazine est interdite aux femmes enceintes. Les sols de la Beauce en sont pleins ? Qu’à cela ne tienne, la Ddass biaise l’intitulé abscons des barèmes fixés par l’Europe et l’on déclare aux normes la qualité de cette eau. En France, dans la plupart des régions, les toxiques comme l’aluminium, le radon et les pesticides dépassent parfois de plus de sept fois les mesures autorisées par Bruxelles. Si Paris n’utilise plus d’aluminium pour clarifier son eau, la majorité des autres villes et villages de France s’y emploient allègrement. Et qu’en disent les grands mani tous de l’Afssa ? Ils s’énervent : « Bon…. Je demande que l’on cesse l’émission… Arrêtez de tourner… », enrage Marie Favreau, responsable sanitaire. Sophie Le Gall reste imperturbable et, sur un ton compatissant, elle demande à chacun d’eux s’ils trouvent digne de leur fonction de laisser les Français dans l’ignorance des risques sanitaires considérables qu’ils courent. C’en est trop, l’entretien prend fin.
Stupeur et visages blêmes aussi quand, en présence des services de distribution d’eau de la Saur, Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire à la Criirad, sort hébété de l’aire de captage des eaux de Saint-Sylvestre, dans le Limousin : « 255 000 becquerels par mètre cube ! ! ! Ne restez pas là, je n’ai jamais vu ça en dix-sept ans de carrière. » Mais encore ? Cette eau est une bombe dont les radiations sont mortelles. Aucun service sanitaire en France n’a jamais prévu de réglementer la mesure de radon dans ses eaux. Rappelons que trop de radon dans le corps fait muter nos cellules. L’heure est grave.
Colette Mainguy